Le blog du NPA82

Logement : l’urgence sociale

Militant associatif à la Confédération nationale du logement, maire-adjoint de Roland Plaisance (PCF) à Évreux jusqu’en 2002, Jacques Caron s’est battu contre la destruction des logements sociaux dans le quartier populaire de la Madeleine, combat raconté dans son livre Quartiers brisés, habitants spoliés(1). Aujourd’hui, un collectif unitaire Urgence logement mène la lutte pour le droit au logement à Évreux.

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10 millions de personnes subissent la crise du logement, selon la fondation Abbé Pierre, et 3, 6 millions d’entre elles sont très mal logées. Quel est l’état du logement social à Évreux après les destructions de l’ANRU ?
À Évreux et dans l’Eure, le logement social est cher. La population est très pauvre : un revenu de 7 200 euros par an et par unité de consommation dans le quartier de la Madeleine d’Évreux, soit le tiers du revenu moyen national. L’accès au logement, même social, est pratiquement interdit aux personnes à faibles ressources.
Les grands logements ayant été détruits en priorité, le surpeuplement reste fréquent, malgré 1 800 logements vacants dont près de 400 logements sociaux. Tous les indicateurs montrent une situation aggravée.

Quelles sont les responsabilités des élus locaux, Debré (droite) depuis 2002, puis Champredon (gauche) depuis 2008 ?
Debré, puis Nicolas et Champredon ont fait croire que détruire les immeubles ferait disparaître la misère. Au contraire, elle s’est concentrée dans les immeubles restants, 70 % des locataires chassés ayant été relogés dans le même quartier.

Et la responsabilité des bailleurs sociaux ?
Les bailleurs ont négligé la gestion locative et celle des charges.
De nombreux locataires insatisfaits demandent à changer d’habitat.

Dans ton livre, tu parles d’une spoliation des locataires du logement social : comment s’opère-t-elle et au profit de qui ?
Les locataires contribuent à financer le logement par les loyers. La destruction les prive de son patrimoine collectif et d’un juste retour de sa cotisation au financement du 1 % logement.
Aujourd’hui, « Action logement » sert d’abord à payer les destructions et non la construction ou l’aménagement. Plus pervers encore : l’obligation faite aux organismes de logement de remettre gratuitement la moitié des terrains libérés par la démolition à la Foncière Logement pour la promotion privée est une véritable escroquerie. C’est pour la dénoncer que j’ai édité mon livre car elle concerne les 500 quartiers ANRU de France.

La dette du logement social était estimée à 89, 5 milliards d’euros fin 2008. N’y a-t-il pas là encore une grosse part de dette illégitime ?
La prise en otage par les financiers d’un secteur non marchand, le logement social, est illégitime. Dans certains organismes de logements sociaux, la moitié du loyer revient aux banquiers. L’équilibre financier des constructions n’est réalisé que grâce aux logements anciens occupés par les populations les plus pauvres qui paient pour les logements auxquels ils n’auront jamais accès. Ces pratiques inversent donc la solidarité, obligeant les plus pauvres à payer pour les moins défavorisés.
Si l’équilibre coût du logement/loyer était respecté, les loyers des programmes anciens pourraient baisser d’un tiers.

À Évreux, de nouvelles destructions de logements ont été décidées par le maire Champredon : quelles conséquences aura cette liquidation du patrimoine de la ville ?
La décision d’ajouter 92 logements aux 1 050 logements sociaux détruits depuis dix ans, rend plus difficile la question du logement. Le projet porte sur deux immeubles avec ascenseurs aux normes, aux plus faibles loyers de l’agglomération, dans un quartier bien doté en transports en commun, avec un réseau de chaleur aux énergies biomasses. Presque un écoquartier !
On peut encore agir. Le collectif Urgence logement a fait plusieurs propositions.

Le blocage des loyers et charges, l’interdiction des expulsions sont d’actualité. Mais que penses-tu de l’application du droit de réquisition des logements vides ?
Je crois à l’usage d’une bonne fiscalité, et à un bon usage des aides au logement. Pourquoi exonérer systématiquement un logement vacant de la taxe d’habitation ? Pourquoi retirer automatiquement l’APL à une personne vivant avec les ressources minimales ne pouvant même pas payer la part qui lui incombe ?

Es-tu favorable au projet d’un grand service public décentralisé du logement social, comme le proposent le NPA ainsi que le PG et le PCF ?
Oui, s’il s’agit : d’un service permettant de mobiliser les quelque
2 millions de logements vacants ; d’établir une justice fiscale dans l’habitat ; si l’aide au logement sert à loger et non à la solvabilité des emprunts ; si ce service public se soucie de rapprocher le domicile du travail, aide à la maîtrise énergétique et la gestion de proximité.
Non, s’il s’agit de renforcer le rôle de la Caisse des dépôts, ou celui du collecteur du 1 %, tous deux s’étant largement discrédités ces 20 dernières années en mettant leur puissance au service des banques, rassurées par la garantie des collectivités locales et au profit des seuls grands groupes du bâtiment, comme dans les ANRU, au lieu de conserver de bons logements.


Propos recueillis par Jacques-Louis Perez


1. Quartiers brisés, habitants spoliés, l’arnaque de la rénovation urbaine, Jacques Caron, Éditions Non lieu, 15 euros
 

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