Le blog du NPA82

FN ennemi de classe...

lepen nazi
Dans un contexte de crise globale du capitalisme, la construction d’une réponse politique unitaire, d’un front de résistance face aux crises économiques, écologiques et démocratiques du capitalisme et à l’emprise croissante du FN dans les classes populaires est urgente . Analyser la mutation du FN pour mieux le combattre, tel est le but de cette compilation de 3 articles sur le FN publiés notamment dans TEAN la revue:

- l'offensive du FN en direction du monde du travail.
- le défi politique que nous impose le FN.
- refonder une offensive contre le FN.
L’offensive FN en direction du monde du travail

Le FN se présente comme le parti représentant les salariés. Il est donc essentiel d’examiner son programme social pour démonter son discours et le dévoiler comme allié du patronat.


Le FN serait encore plus social, encore plus crédible pour le monde du travail. Les récents sondages, parus dans la presse mi-janvier 2011, placent la présidente du FN en tête des votes des ouvriers. Mais le tournant dit «  social  » du FN est un serpent de mer  : depuis le milieu des années 1990, le parti frontiste s’adresse clairement aux salariés, aux chômeurs, aux précaires. La venue de Marine Le Pen à la tête du parti ne fait que le confirmer. Du moins en apparence.

 

Réindustrialiser et augmenter le pouvoir d’achat

Une des priorités affirmée par le FN est la réindustrialisation du pays. Ainsi, la lutte contre le chômage se ferait selon deux grands axes  : «  la réindustrialisation de notre pays, et le soutien aux PME, qui sont les premiers créateurs d’emplois en France. Le renforcement du dynamisme du marché du travail contribuera également à la lutte contre le chômage  ». Pourfendeurs de la mondialisation, de l’Europe, le programme frontiste se veut évidemment protectionniste, en direction des PME  : «  un réarmement face à une mondialisation débridée qui met nos industries en concurrence déloyale avec le monde entier  ». Leur gouvernement serait stratège et planificateur, imposerait une réindustrialisation et une politique «  achetons français  », tout en gavant de cadeaux fiscaux et d’exonérations de cotisations sociales le patronat pour «  alléger le coût du travail  ».

Mais le FN sait rapidement changer son fusil d’épaule. Ainsi, on pouvait lire en décembre dans le programme de MLP  : «   nous proposons de financer une diminution de charges des employeurs par l’institution d’une taxe sur les transactions financières – et non par une TVA dite « sociale » qui n’a en réalité rien de sociale. Pour atteindre cet objectif, la France soutiendra l’instauration de cette taxe sur les transactions financières à l’échelon international.  » Mais Sarkozy ayant défendu l’instauration d’une telle taxe, le pro-gramme a changé et on y trouve aujourd’hui  : «   nous proposons […] par l’institution d’une Contribution sociale aux importations égale à 3 % du montant des biens importés […] [son] application permettra d’augmenter de 200 euros net les rémunérations des salaires jusqu’à 1, 4 fois le Smic.  » Même si on retrouve plus loin le soutien à une taxe sur les transactions financières.

Il ne s’agirait donc pas, comme a essayé de le faire croire MLP, d’une augmentation du salaire, seule à même de garantir une hausse durable, collective et sûre, mais bien d’une prise en charge par l’État de cotisations sociales. Mesure qui peut être supprimée d’un jour à l’autre selon les aléas de la politique chauvine du FN.

Ne soyons pas dupes  : avec son protectionnisme mâtiné de chauvinisme, le FN alimentera forcément la guerre économique entre pays, au détriment des habitants et salariés.

Ensuite, la politique de cadeaux fiscaux et sociaux faits au patronat n’a jamais eu pour corollaire l’augmentation générale des salaires. Bien au contraire, ce ne sont que les luttes des salariés qui l’ont imposée.

À ces mesures, s’ajouteraient d’autres annonces, inédites pour le parti d’extrême droite, comme la revalorisation des traitements des fonctionnaires et des pensions de retraite.

Mais derrière les effets d’annonce, le détail est moins flatteur.

Tout d’abord, le FN garantit l’indexation des salaires et minimum retraite sur l’inflation pour les salariés du privé et l’augmentation du point d’indice des traitements des fonctionnaires d’une valeur indéterminée. Mais, depuis des années, la part des salaires a diminué dans le PIB français. De plus, ils n’ont pas été augmentés suffisamment pour combler l’inflation. Il y a donc un retard important à rattraper  : la seule mesure d’indexation des salaires sur l’inflation ne suffira pas.

Par ailleurs, le programme prévoit la constitution d’une réserve légale de titres «   moyen de reconnaître au personnel une part de propriété dans l’entreprise, sans droit de vote, mais permettant le versement de dividendes.  » Mesure fumeuse dont on a vu l’effet avec la prime Sarkozy...

En ce qui concerne, la question cruciale aujourd’hui pour les salariés du privé et du public de quel emploi  ? Le FN ne dit rien. Rien sur les contrats précaires (intérim, CDD, temps partiels imposés) devenus notre lieu commun. Le parti frontiste veut créer de l’emploi, mais lequel  ? Celui des contrats sans lendemain et sous-payés  ?

Quant aux politiques envers les agents de l’État, il dit à la fois qu’il veut arrêter la RGPP mais dans le même programme, il propose un «  gel des baisses des effectifs  » de la fonction publique d’État alors que «  collectivités territoriales devront maîtriser leurs effectifs  » avec la présentation annuelle de «  plan impératif de réduction ou de stabilisation de leurs effectifs  ».

 

Conditions de travail et temps de travail

Dans son programme, le FN n’a pas un mot sur les conditions de travail malgré quelques communiqués larmoyants sur les mineurs ou les victimes de l’amiante, aucune analyse, aucune proposition. Bosse ! Si tu crèves au boulot ou à cause du boulot, la vie va ainsi !

Quant au temps de travail, le FN se voudrait pragmatique. MLP affirme qu’elle ne reviendra pas sur les 35 heures pour «   ne pas perturber à nouveau grandement le fonctionnement du marché du travail et des conditions d’emploi des salariés dans les entreprises françaises  ». Par contre, une «  renégociation sera autorisée à la condition qu’elle s’accompagne d’une augmentation proportionnelle du salaire  ».

Une renégociation à quel niveau  ? Les branches, l’entreprise  ?

Tout ça n’est pas précisé mais ne laisse rien présager de bon, créant de fait des disparités entre les salariés.

 

Emploi et immigration

Bien sûr, en matière de travail et d’emploi, le FN tape à bras raccourcis sur les étrangers, toujours censés voler le travail des Français et, tirer les salaires vers le bas. Ainsi, à compétences égales, les entreprises devront embaucher des «  personnes ayant la nationalité française  », prévoyant même une loi qui obligerait Pôle emploi à proposer les postes aux salariés français.

De même en ce qui concerne les pensions de retraite  : «  il faut supprimer le droit au minimum vieillesse pour les étrangers n’ayant pas travaillé et cotisé en France pendant au moins dix ans et pour ceux résidant à l’étranger.  »

La stratégie de la division des salariés par le racisme est une vieille recette  : ceux et celles qui l’ont appliquée ont, certes, vu des pays plus blancs, mais dans lesquels les salaires, les conditions d’emploi et de travail n’ont pas positivement varié. Sauf qu’en outre, ils étaient divisés.

 

Les FN contre les syndicats

Dernière entreprise  : casser l’outil des salariés pour les luttes, le syndicat. Désignés (toujours  !) comme non représentatifs, bloqueurs, politisés et opposés à toute logique de négociation constructive...

Les droits des salariés à la sauce FN se font uniquement dans un monde fantasmé où il n’est besoin que de négociation : la seule arme de défense réelle des salariés est la grève. Le FN veut la conditionner à des revendications «  légitimes  » et la circonscrire à des secteurs où ça ne gênera pas.

Et encore moins, sous couvert de respectabilité ou de représentativité, imposer des syndicats jaunes ou proche de son courant.

 

Luz Mora, syndicaliste, membre de Vigilance et initiatives syndicales antifascistes (Visa)

* www.visa-isa.org

 

Face à l’extrême droite, acceptons le défi du politique

entretien avec Nicolas LEBOURG.

Gabriel Gérard – Le Front national (FN) de Marine Le Pen est-il devenu «  un parti comme les autres  » comme on peut l’entendre (trop) souvent  ?

Nicolas Lebourg – Tout dépend comment on se place. Peu après la fondation du FN en 1972, le ministère de l’Intérieur avait envisagé son interdiction. Aujourd’hui le FN se revendique un parti républicain, comme les autres donc, au sens de l’article 4 de la Constitution, c’est-à-dire respectant «  les principes de la souve-raineté nationale et de la démocratie  ». Effectivement, rien dans le FN de Marine Le Pen ne déroge à cet article. Mais par ailleurs, ce parti s’inscrit dans le courant national-populiste qui émerge en France dans les années 1880. Cela signifie qu’il existe de longue date dans notre société, sans rapport avec l’ombre des crimes des fascismes, et que la simple réprobation morale ne saurait suffire à l’effacer de notre vie politique.

Respect présent des formes légales, présence structurelle dans notre vie politique depuis un siècle et demi  : le national-populisme est un courant qui participe à notre vie politique, comme les autres. Son système de valeurs, de références, ses diagnostics et propositions en font-ils une tendance que l’on pourrait mettre dans le même sac que la démocratie chrétienne, le socialisme etc.  ? C’est un autre aspect.

On arrive ceci dit à un problème moins historique que politique  : au stade de méfiance où les Français en sont vis-à-vis des partis, en désigner un comme différent revient moins à lui attirer l’opprobre que la sympathie.

 

Ce national-populisme est-il vraiment absorbable  ? Ce mouvement qui apparaît fin XIXe, Zeev Sternhell le dépeint comme une « droite révolutionnaire  » qui a servi de matrice au fascisme.

Il y a un anachronisme chez Sternhell. L’extrême droite ne se dit et pense révolutionnaire qu’avec les contre-coups de la révolution russe de 1917 et de la Première Guerre mondiale. C’est là que les idées d’une extrême droite contestataire, nationaliste et populiste, vont, pour partie d’entre elles, muter dans les formes de l’extrême droite radicale, en particulier du fascisme. On est dans les problématiques du redécoupage de l’Europe, de la société industrielle, de la réaction des sociétés à leur brutalisation, de la concurrence révolutionnaire. Cette histoire-là ne se rejouera pas une seconde fois. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas inventer pire tant les sociétés sont imaginatives pour inventer des moyens de se réprimer.

 

Le FN n’ajoute-t-il pas deux notions qui le distinguent  : la «  préférence nationale  » et «  l’identité  »  ?

Fin xixe, ce qu’on appelait la «  protection du travail national  » était un thème en vogue. Jules Guesde estimait que la main-d’œuvre immigrée était une modalité patronale de casse des salaires et de la conscience prolétarienne. Le thème de «  l’identité  » est en revanche typique du nationalisme allemand. Les deux vont prendre de l’importance en France par la marge dite nationaliste-révolutionnaire après l’adoption de la loi réprimant le racisme en 1972. Des nationalistes-révolutionnaires puis des membres de la Nouvelle Droite décident de suivre l’exemple de leurs homologues allemands qui, face à l’interdiction de la propagande raciste, se sont investis dans le discours sur l’«  identité  » qui, in fine, rejette tout métissage ethnique et culturel. D’autres nationalistes-révolutionnaires, en particulier François Duprat, comprennent que la thématique sociale contre l’immigration devient le moyen de faire revivre le nationalisme hors l’ombre des fascismes.

Il est d’ailleurs notable qu’après 1981 les néo-droitiers, qui comme Bruno Mégret participent encore à la direction des partis de droite, parviennent à faire passer «  l’identité  » dans les programmes de ces partis. Mais face à la gauche, et avec Thatcher et Reagan au pouvoir, les droites choisissent le logiciel néolibéral.

Maintenant que celui-ci a fait faillite, la tentation est forte pour elles de se replier sur ces thèmes.

 

Les références, dans les discours de Marine Le Pen, à Jaurès, Clemenceau, Robespierre, De Gaulle, à la République ou encore à la laïcité ne sont-elles pas en rupture avec l’histoire de France telle que l’extrême droite l’analysait jusqu’à présent  ? Une réécriture «  identitaire  » n’est-elle pas à l’œuvre  ?

L’extrême droite française a admis qu’elle avait perdu la bataille pour les représentations historiques. Depuis le début des années 1990, elle se présente comme la «  Résistance  » contre les «  collabos  » soit, selon les cou-rants, du «  Nouvel Ordre mondial américano-sioniste  », soit de «  l’Occupation arabo-musulmane  ». La Révolution française, la laïcité, la Résistance, sont des éléments aujourd’hui partagés au sein de la population. Elle en a pris acte. Elle l’a d’ailleurs fait d’autant plus aisément que la concurrence des mémoires pendant ce temps a présenté une histoire fragmentée, communautarisée, où la nation et son récit commun républicain ne serait plus que le travestissement des souffrances infligées à des minorités qui exigeraient aujourd’hui d’être reconnues comme «  victimes  ». Le réflexe «  nationalitaire  » ne pouvait que venir à l’appui du bon sens stratégique pour investir les thèmes et personnages que la majorité du peuple considère comme formant notre roman national.

En somme, l’investissement «  identitaire  » des mémoires communautaires a nourri une réappropriation également identitaire de l’histoire républicaine par l’extrême droite. Elle est ainsi enfin conforme à la culture politique républicaine des masses. Normalisée par rapport à elles et donc un possible allié pour certains.

 

Dans la revue Vacarme (printemps 2011), Annie Collovald déclare  : «   La réussite du fascisme ne dépend pas des seuls fascistes, mais des compromis, transactions, relations établis avec les autres compétiteurs politiques  ». Que vous inspire cette réflexion dans le contexte actuel  ?

Par le passé, les fascistes agirent ainsi. Mais le FN ne cherche pas à produire un homme nouveau dans un État totalitaire dont la guerre impérialiste serait le moteur des transformations sociétales intérieures. Ramener le FN au fascisme est une absur-dité historique qui ne sert qu’à se donner des illusions de grandeur morale et, là aussi, à s’offrir le frisson mythomane de l’assimilation à la Résistance. «  Les analogies histo-riques dont vit et se nourrit le libéralisme ne peuvent remplacer l’analyse sociale  » écrivait déjà Trotsky dans Bilan et perspectives. Ce qui est juste est que l’extrême droite a acquis une puissance lobbyiste.

Depuis 30 ans, chaque changement de majorité a vu nos législations sur l’immigration changer. Le FN est un parti sans député, comptant très peu de militants, mais qui pèse avec constance sur les décisions de nos gouvernants. Il faut sortir du schéma de la société industrielle où l’importance d’un parti se comptait par rapport à son nombre de parlementaires, de militants. Or, cette stratégie s’est avérée un suicide pour les droites  : quand elles avalisent les positions FN elles légitiment le transfert de ses voix vers lui et en retour l’électorat de gauche se mobilise.

 

Jean-Yves Camus écrit   : «   Pendant que l’antifascisme traditionnel continuait à penser l’émergence des populismes xénophobes selon les schémas habituels de la continuité entre les années 30-40 et aujourd’hui, les extrêmes droites européennes révisaient leur logiciel politique  ». Jugez-vous cette analyse pertinente  ? Si oui, quelles sont, aujourd’hui, les pistes pour un combat efficace contre le FN et les activistes d’extrême droite  ?

Je suis entièrement d’accord avec lui. Le discours du FN actuel n’a rien à voir avec ce qu’était le fascisme (je ne dirais pas exactement la même chose pour le FN de la moitié des années 1990).

Le FN aujourd’hui dénonce une société atomisée et planétarisée, où la marchandise est reine et nulle la responsabilité du citoyen envers la cité. Agiter le spectre des chemises noires est contre-productif.

Pour les militants politiques qui veulent faire reculer le FN, il faut affronter leurs responsabilités et non adopter des postures.

Pour la droite, cela signifie ne pas dissoudre l’échec du libéralisme dans une alliance soit idéologique soit partisane avec l’extrême droite où le discriminant ethno-culturel viendrait sauver le marché (la même politique + la préférence nationale).

Pour les socialistes et les écologistes, il leur faut admettre l’attachement des Français à des cadres unifiés avec une fonction sociale de l’État et non se satisfaire d’une société atomisée où la régulation étatique ne toucherait que les «  exclus  », les «  sans  ».

Quant à la gauche antilibérale, elle a le devoir de restaurer sa propre fonction tribunicienne en s’unifiant électoralement. Elle doit porter cette contestation du peuple français.

Sachant que le FN a pu allier ensemble poujadistes et néonazis n’ayant rien de commun, on ne connaît pas de raison sérieuse interdisant la même opération à gauche de la gauche, permettant la même pression législative sur la question sociale que celle que le FN a obtenue sur la question migratoire depuis 30 ans.

Par ailleurs, il faut dire ce que signifie «  combattre le FN  ». Parle-t-on des idées ou des hommes  ? On a donné un boulevard aux idées et avalisé les thèmes de l’extrême droite, à droite mais aussi à gauche (des discours islamophobes des uns aux soutiens des autres à des communautaristes ethno-confessionnels type «  Indigènes de la République  »), tout en maintenant un système de vote qui lui interdit d’être représenté.

Faisons un détour par notre histoire récente quant à un tout autre groupe politique, le Parti communiste français. Le PCF a abandonné, en 1976, la dictature du prolétariat comme but. Mais s’il représentait un quart des voix, ce n’était pas au nom de cette utopie, mais parce que là aussi les électeurs en usaient comme d’un vote de lobbying, cette fois non quant au thème de la «  préférence nationale  » mais quant à celui de la «  justice sociale  ». Or quelle a été la politique menée à l’encontre du PCF  ? On a fait de révolutionnaires rouges des pléthores de conseillers municipaux. Ils ont géré leurs villes avec leurs problèmes de voirie, d’écoles, etc. Ils ont pensé à leur réélection. On a complètement digéré cette contestation par la normalisation.

Nous avions eu 35 députés FN entre 1986 et 1988  : on aurait conservé la proportionnelle, deux ans plus tard leur souci majeur aurait été leur réélection, la manière de séduire une partie de l’électorat du centre, et la façon de rédiger leurs notes de frais. Le cordon sanitaire doit être à l’égard des idées, des partis, mais non des hommes. Laissons les frontistes s’embourgeoiser  : on aura fait reculer l’extrême droite de manière plus forte qu’avec 1 000 «  mobilisations antifascistes  ». En revanche, ne cédons rien sur le plan idéologique et programmatique.

Après 30 années d’échecs de la condamnation morale, à seule valeur narcissique, acceptons le défi du politique.

 

Propos recueillis par Gabriel Gérard


Refonder une stratégie contre le FN
 

À quelques semaines du congrès où Marine Le Pen a pris les rênes du Front national, la Commission nationale antifasciste du NPA coordonnait un dossier qui se proposait de «  comprendre les relations comme les contradictions qui peuvent exister  » entre les différentes familles d’extrême droite dont «  l’arme principale est le brouillage du champ référentiel  ».


Dans ce même dossier, «  parce que l’extrême droite se combat sur le terrain  », nous étions revenus «   sur des mobilisations antifascistes, passées ou présentes, qui montrent qu’il est possible et nécessaire de passer à l’offensive  ». Les formes de la contre-offensive restant à débattre.

Dans le présent dossier, nous avons voulu alimenter ces mêmes débats sous l’angle du double mouvement qui s’opère, ces dernières années, entre une radicalisation idéologique des droites, le plus souvent gagnées au néoconservatisme, mises en difficultés par les conséquences d’une crise financière qu’elles ont elles-mêmes promue et le «  recentrage  » de façade, le prétendu «  aggiornamento  » qu’opèrent certaines organisations d’extrême droite issues des fascismes historiques, particulièrement le FN.

Pour alimenter nos débats militants, nous avons sollicité auteurs, chercheurs, analystes et syndicalistes. Certaines de leurs réflexions peuvent paraître désarmantes ou provocatrices. Mais à travers ces différents points de vue apparaissent «  en creux  » de nombreuses questions qu’il s’agit de se poser afin de mener efficacement la lutte contre la poussée d’une extrême droite qui prétend jouer un rôle d’alternative au système capitaliste. Il s’agit d’éclairer les recompositions en gestation au sein des droites.

Même si certaines franges militantes savent que le FN d’aujourd’hui s’inscrit dans la continuité du FN d’hier, il s’agit bien de le démontrer. En effet, on ne peut ignorer l’audience retrouvée, voire élargie par un nouvel «  effet Le Pen  » après celui des années 1980. L’influence politique retrouvée d’un parti qui, d’élection en élection, tente de capter les suffrages de nouveaux «  segments électoraux  » tout en s’attirant la confiance de fractions du patronat. Un parti qui tente de rajeunir et de reconstituer un appareil militant mis à mal lors de la scission de 1998. Un parti qui, comme le souligne le politologue Jean-Yves Camus, cherche à «  faire cohabiter radicalité idéologique et pragmatisme tactique en affirmant [sa] vocation à exercer le pouvoir dans le cadre d’une stratégie annoncée de normalisation et de respectabilité.  »

Ainsi, il s’agit de comprendre les logiques à l’œuvre dans un contexte marqué par une crise politique, sociale et économique d’une violence sans précédent pour les peuples, de «  déconstruire  » les impostures frontistes – son offensive en direction du monde du travail par exemple. Il reste également nécessaire de rester vigilant face aux tentatives d’autres mouvances d’extrême droite d’exister (en convergences avec les secteurs de la droite conservatrice) à la marge du FN. En l’occurrence, dans ce dossier, la mouvance catholique intégriste (récemment soutenue dans ses actions, à Paris et Lille, par le Parti antisioniste ou le groupuscule Forsane Alizza). Une mouvance militante dont le Vatican a bien besoin en ces temps de reflux de son influence.

René Monzat déclarait, dans le dossier de novembre 2010 [1], «   Le contexte a changé […] nous manifestions dans le cadre de Ras l’front, réseau en intersection organique avec le mouvement ouvrier syndical et les organisations politiques de gauche et d’extrême gauche, nous le faisions aussi sur le socle des valeurs démocratiques issues de la Révolution française et de la Résistance partagées et formellement revendiquées par tout l’éventail politique hors FN.  » Et tout cela a des conséquences sur les formes de ripostes.

L’objectif de ce dossier est de contribuer, sans tabou ni pré-acquis, à faire avancer le débat concernant la stratégie face à la résistible ascension des extrêmes droites du XXIe siècle.

 

Commission nationale antifasciste du NPA

* Publié dans : Revue Tout est à nous ! 29 (février 2012).


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