Le blog du NPA82

Genève : acceptation d’une loi antimanifs

 

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Quand la majorité de ceux qui vont voter décident de renoncer à une partie de leurs droits, l’heure est grave. Comme à Genève où 54 % des votantEs ont approuvé une loi qui anéantit le droit de manifester… Nous publions un article paru dans le journal l’Anticapitaliste, avec l’aimable autorisation de son auteur.

Que les rupins votent en faveur de la loi n’étonnera personne : entre la défense de leurs privilèges et celle du droit de les contester par la rue, les bourgeois ont choisi. Ainsi, c’est dans les arrondissements huppés du centre-ville que la loi antimanifs a fait un tabac : 60 % à Rive, presque 70 % à Malagnou… À l’inverse, des quartiers très populaires comme la Jonction, les Pâquis ou les Acacias la rejettent à 60 voire 65 %, tout comme la commune d’Avully qui recense une forte concentration d’immeubles sociaux, donc de salariéEs.

Il n’y a pas que des rupins à Genève. Sauf que, en dépit des loyers qui flambent, il n’y a pas que des rupins à Genève. Si tous les quartiers ouvriers, populaires, avaient voté comme les Pâquis, la loi scélérate aurait tout simplement été balayée.Et c’est justement là que le bât blesse. Car ce sont les grandes communes suburbaines qui ont fait pencher la balance. Parmi celles-ci, à l’exception de la – très – bobo Carouge, Lancy, Onex et Vernier acceptent la loi Jornot : du bout des lèvres à Vernier – 50, 2 % –, très franchement à Onex et Lancy avec des scores de plus de 54 %.

De toute évidence, le refrain sécuritaire entonné par les fauteurs d’insécurité sociale que sont les libéraux et les autres partis bourgeois a trouvé dans ces communes l’écho favorable qu’il n’a pas rencontré dans certains quartiers ouvriers, populaires, de Genève.

Cela résulte de deux facteurs qui se combinent : l’abandon par la gauche du terrain social dans ces communes et son occupation par le Mouvement des citoyens genevois. Contrairement à une « gauche » toujours plus institutionnelle, ce parti a su investir le terrain en donnant des réponses toutes faites – la « faute » aux frontaliers, aux étrangers, à la gauche – à une souffrance sociale réelle. Dès lors, le discours sécuritaire des libéraux ne pouvait que prendre racine sur un terrain populaire labouré en profondeur depuis des années par l’extrême droite fascisante.

À l’inverse, l’activité ancrée dans le terrain d’une association de base comme Survap (« survivre aux Pâquis »), avec ses revendications et exigences fondées sur les besoins fondamentaux de la population du quartier, a rendu crédible le refus de la loi antimanifestations. Parce que les gens ont compris que la manifestation est, justement, un des moyens de leurs revendications, un moyen et un droit qu’elle a défendus, y compris dans l’urne.
En gros, là où les intérêts de la population sont défendus, elle défend ses droits. Par contre, quand les gens sont laissés à eux-mêmes, la « gauche » étant trop prise par la course aux strapontins parlementaires, ils s’en remettent aux fausses certitudes.

Ne pas déserter
La victoire dans les urnes donne des ailes à celui qui a conçu cette loi scélérate, l’ancien avocat d’affaires et député libéral Olivier Jornot. Devenu procureur général, c’est lui qui sera appelé à interpréter une loi… qu’il a lui-même conçue.

Grand pourfendeur devant l’Éternel de l’altermondialisme – pour lui synonyme de manifestations violentes – il pourrait être tenté par une interprétation fortement restrictive de sa loi.

C’est pourquoi, il faut que les forces qui se sont manifestées dans la campagne contre la loi Jornot restent mobilisées. Il faut aussi que les jeunes descendus nombreux dans les rues pour s’opposer à la loi dépassent leur légitime déception après le vote du dimanche 11 mars. Il faudra être encore plus forts, plus mobilisés, pour en combattre l’application.

En ce sens, le comité référendaire ne pourra pas se borner à recourir au Tribunal fédéral : il lui faudra se maintenir pour s’opposer pied à pied à l’arbitraire de la loi, contrairement à ce qu’il avait fait l’automne passé lorsque des militantEs – Decarro, Tirefort et votre serviteur – passaient devant les tribunaux pour délit de manifestation.
Plus fondamentalement, il faut gagner la majorité des couches populaires à un discours d’émancipation sociale. Pour cela, il faut une force anticapitaliste qui place les intérêts des gens, des 99 %, devant ses intérêts propres et, surtout, ceux du capital.

Car, plus nombreux et engagés, enracinés chez celles et ceux d’en bas, nous aurions pu convaincre beaucoup plus et peut-être gagner. Et posé les bases avant que la situation ne devienne encore plus grave.

 

Paolo Gilardi

Article publié dans l’Anticapitaliste, n° 65 du 15 mars 2012.

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